Biographie
Les
maîtres de poste | Louis
Rousseau est né à Angerville, en
1787, (la même année que deux des premiers disciples de Fourier, Just Muiron
et Désiré-Adrien Gréa).dans une famille de maîtres de poste, donc dans
un milieu aisé. En 1804, alors qu’il n’a pas 17 ans, il s’engage dans la
marine, est nommé aspirant à Brest en novembre 1804. Il participe aux opérations
navales menées par Napoléon contre l’Angleterre. |
Il est fait
prisonnier le 6 février 1806 devant Saint-Domingue à bord du vaisseau l’Alexandre
et emmené sur les pontons de Portsmouth où il restera huit ans. Plutôt
que de conserver le statut de prisonnier sur parole, il préfère les pontons où,
libre de tout engagement moral, il peut mettre en oeuvre son projet d’évasion
auquel il songe dès le début et qui, à chaque tentative (il en fait vingt-deux),
échoue. En 1814, il rentre en France après la première abdication de Napoléon
et démissionne de l’armée. | 
Saint
Domingue |
Un document
retrace cette partie de la vie Louis Rousseau : Les Mémoires du Baron
de Bonnefoux, dont il était l'ami, qui relatent leurs aventures, leurs
évasions, leur passion pour la mer. On découvre le caractère
profond de cet homme et son insatiable curiosité. Le Baron de Bonnefoux
s'est même rendu à Angerville, où il a passé quelques
jours chez son ami. Voici un extrait de ces Mémoires, pages 279 et 280
(240 et 241 de l'édition originale) du fichier au format pdf disponible
chez gallica (téléchargement possible) : 

|
Louis
ROUSSEAU |
Il s’engage pendant les Cent-Jours, mais n’aura pas l’occasion de se battre. Il
s’installe à Angerville comme cultivateur et brasseur. Il épouse en 1817
la fille d’un entrepreneur. Ses affaires ne marchent pas bien. Il ne se plaît
pas à Angerville. En 1822, il vend ses terres, loue sa brasserie et part s’installer
en Bretagne où il se livre à une opération assez originale de colonisation
agricole, selon une expression habituelle à l’époque. Photo
extraite de l'affiche du colloque Louis ROUSSEAU. |
Il
décide en 1823 de se fixer dans le nord Finistère pour y mettre en valeur la plaine
de Tréflez.Il achète à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Morlaix,
dans l’anse de Goulven, 300 ha de terrains situés dans une zone
autrefois recouverte par la mer mais dont l’ensablement, comme en d’autres points
du voisinage, constituait une véritable menace au point d’avoir attiré l’attention
des États de Bretagne en 1760 sur la nécessité d’y entreprendre des travaux
de sauvegarde. Il y fonde une propriété qu’il appelle Keremma, en hommage
à sa femme. | 
La dune
de Keremma (Photo Bleucéanne © 2007) |
Le contexte révolutionnaire ayant paralysé les
initiatives qui avaient pu se manifester, tout restait à faire. Certes, le sol
était cultivable en beaucoup d’endroits, et le goémon apporté par la mer offrait
des perspectives d’amélioration, mais le terrain était un mélange de sables volants
et de marécages. |
La dune
de Keremma (Photo Bleucéanne © 2007) |
La côte était constituée par une dune
instable à l’arrière de laquelle se développaient des étangs et des marécages
tandis qu’à chaque marée les eaux de mer se répandaient dans l’estuaire de la
rivière de la Flèche et prenaient à revers le cordon de dunes jusque vers son
milieu lors des plus fortes marées. De gros travaux devaient donc être entrepris
pour conquérir ces terres à la culture. Ils furent commencés dès l’été de 1823
et visaient, dans un premier temps, à renforcer et à fixer la dune, d’abord en
construisant un parapet en gazon le long du littoral, puis en utilisant des fascines
[fagots] de genêts, successivement relevés. |
Au bout de quelques années, les sables mobiles
de la plaine de Tréflez avaient fait place à une vaste pelouse verte. Après avoir
d’abord songé à un endiguement partiel et progressif des terrains de l’estuaire
de la Flèche régulièrement inondés, il entreprit la construction de la grande
digue qui barre encore aujourd’hui l’estuaire. |
Les travaux durèrent de janvier 1824 au printemps 1826 et furent
menés dans des conditions extrêmement difficiles en particulier à cause des effets
de la terrible tempête de novembre 1824. Début 1826, il crée la
Société rurale de Lannevez pour assumer les charges financières du projet,
ce qui permit de finir les travaux et d'installer plusieurs fermiers sur de petites
exploitations. En Février 1828, une marée exceptionnelle inonda
les terrains et amena la faillite de la Société. |
Keremma
(Google Earth - 2008) |

Emma
ROUSSEAU (1801-1885) et Louis ROUSSEAU (1787-1856) dessin rehaussé
de couleurs, 1846, Collection particulière. Extrait de Les essais ruraux |
Louis Rousseau se replia alors sur
son domaine auquel il avait très vite donné le nom de sa femme Emma Michau.
Parallèlement à la construction de la digue, il y avait mené également de
gros travaux : l’assèchement de l’étang du Louc’h acheté au début de l’année
1824 et situé au sud-est de la propriété initiale. Les terres asséchées
furent ensemencées, en particulier en lin et en chanvre, et Louis Rousseau ne
cessa de multiplier les plantations d’arbres dans les parties les plus basses
pour en améliorer le drainage. |
Louis Rousseau
n’est pas seulement un homme d’action. Il veut faire de son domaine de Keremma
un exemple contagieux pour une réforme sociale globale dont il cherche l’inspiration
dans différents courants de pensée de son époque. Il se nourrit alors toutes les
lectures qui lui tombent sous la main : ouvrages de philosophie, d’agriculture,
d’astronomie, avant tout avec l’idée de fonder, dans une terre neuve qui ne demande
qu’à produire, une exploitation agricole rentable. Publications et changements
de cap importants se succèdent au cours de la seule décennie 1830, signes d’une
mobilisation pour ce que Louis Rousseau appelle La Croisade du dix-neuvième
siècle. Tel est le titre de l’ouvrage qu’il publie en 1841 et qu’il termine
par un vibrant appel à la croisade pour réveiller d’un sommeil dangereux ses
contemporains, marchant comme des somnambules, vers un abîme. |

Extrait
de L'Université Catholique (Google Books) |

Colloque
de Daoulas | Éprouvant,
à la fin des années 1820, des sentiments contradictoires à l’égard du catholicisme,
il se découvre alors des affinités avec le saint-simonisme, par l’intermédiaire
du journal Le Globe dont il est un lecteur assidu, et à la suite d’une
mission saint-simonienne effectuée en Bretagne en septembre 1831 par Édouard Charton
et Adolphe Rigaud. Il voit dans le saint-simonisme une loi nouvelle
susceptible de renouveler et de compléter l’ancienne loi, donnée par le Christ
et de fonder un ordre social nouveau où tous les hommes seront appelés à prendre
part au banquet de la vie ! Rejoignant le saint-simonisme à l’heure où
la famille saint-simonienne commence à se disperser, Louis Rousseau, devenu, en
avril 1832, chef de l’église de Brest, se détache néanmoins très vite du
mouvement, dès juin 1832. il ne suffit pas de produire, il faut trouver le
moyen de faire place à tous au banquet de la vie et la formule de Fourier
lui semble mieux à même de remplir ce but, parce que, dit-il, elle vise à enrichir
le pauvre sans appauvrir le riche. |
Converti au
fouriérisme(1), Louis Rousseau continue d’être
par ailleurs convaincu de l’efficacité sociale de la religion. Mais, à partir
de 1834, nouvelle étape, il revient de manière ostensible à la pratique du catholicisme.
C’est dans la religion catholique qu’il fonde dorénavant tous ses espoirs, celui
de la modernisation de la production et celui de l’équilibre social. En effet,
contrairement à ce qu’il avait prêché antérieurement dans la ligne du saint-simonisme,
il lui apparaît désormais que l’Église catholique n’est pas ennemie du progrès
; bien plus, il souligne qu’ elle seule a puissance de résoudre la crise sociale
actuelle et que tout ce qu’il peut y avoir de bon dans les théories saint-simoniennes,
fouriéristes et autres sont des emprunts faits à sa doctrine. En 1834,
Louis Rousseau est revenu à la foi catholique et sa redécouverte du catholicisme,
loin de le détourner de ses vues associatives, le conforte au contraire dans cette
voie, le principe d’association lui apparaissant comme fondamentalement chrétien.
|
Charles
FOURIER |

Pélagie
Le breton | Il
conserve l’idée de colonie agricole, mais elle est désormais centrée sur
la paroisse et doit se construire à partir d’une école d’économie rurale et domestique
assurant une double formation, religieuse et professionnelle, l’agriculture étant
la base essentielle de cette dernière. La tribu chrétienne est, aux yeux de
Louis Rousseau, la forme accomplie de l’association qui suppose à la fois une
organisation économique rationnelle et une harmonie sociale. Elle doit constituer
une communauté exemplaire, sorte de phalanstère(2)
catholique, privilégiant la vie en autarcie et l’éducation mutuelle.Louis Rousseau
offre le site de Keremma comme point de départ d’une première expérience. C’est
de ce projet que sortira indirectement l’école fondée à Treflez par les
religieuses de la congrégation de Marie Immaculée de Saint-Méen(3)
(fondée en 1831 à Saint-Méen le Grand par Pélagie
Le Breton, qui deviendra Mère Saint-Félix) qu’il avait fait venir à Keremma.
Louis Rousseau meurt en 1856 à Keremma où ses descendants perpétuent
son souvenir et son patrimoine. |
(1)
Système de morale et d'organisation sociale imaginé par Fourier reposant sur ce
qu'il appelle l'attraction passionnelle. Son but est le bonheur ainsi défini :
Le bonheur ne consiste qu'à satisfaire ses passions... Le bonheur, sur lequel
on a tant raisonné ou plutôt tant déraisonné, consiste à avoir beaucoup de passions
et beaucoup de moyens de les satisfaire. (2)
Edifice habité par une commune sociétaire appelée phalange composée de
familles associées pour les travaux de ménage, de culture, d'industrie, d'art
et de science, d'éducation, d'administration destiné à démontrer, par la pratique,
la validité de la théorie du monde social de Fourier : faciliter les relations
interindividuelles afin de permettre le déploiement intégral des effets de l'attraction
passionnée. (3) Lieu de naissance de Louison
Bobet (1925-1983). | Bibliographie
Cours
d'Economie Sociale, extraits de l' Universtité Catholique, volumes 9 à
13. |
1840 | Mars |
1 | De la loi
sociale. | Avril |
2 | Du
progrès social résultant des faits politiques. | Mai |
3 | De
la civilisation. | Juillet |
4 | De
la loi du salaire et de la division du travail. | Août |
5 | De
l'emploi des machines et du paupérisme. | Septembre |
6 | Sans
titre. | Novembre |
7 | Des
institutions relatives aux arts mécaniques et aux manufactures. |
1841 | Janvier |
8 | Des institutions
commerciales. | Février |
9 | Analyse
de la théorie sociétaire de Charles Fournier. Immoralité
de sa doctrine. | Mars |
10 | Suite
de l'analyse de la théorie sociétaire de Charles Fournier. Extravagance
et immoralité de sa doctrine. | Décembre |
11 | Esclavage
et prolétariat, de la liberté. |
1842 | Février |
12 | Du principe
chrétien en matière d'esclavage. | Mai |
13 | De
l'affranchissement des esclaves. | Autres
publications extraites de l' Universtité Catholique. |
1840 | Février | Prolégomènes |
1841 | | La
Croisade du dix-neuvième siècle, appel à la piété catholique à l'effet de
reconstituer la science sociale sur une base chrétienne, suivi de l'exposition
critique des théories phalanstériennes : - Prospectus de la Croisade du XIXème
siècle et avis aux abonnés, - Aux abonnés de l' université catholique. |
Septembre | Réponse
au feuilleton de La Quotidienne du 8 Juillet dernier. | Octobre | Les
fermes du petit atlas, (Compte-rendu de Abbé Landmann, curé de Constantine, Les
fermes du petit atlas ou colonisation agricole, religieuse ou militaire du Nord
de l'Afrique). | Décembre | Réponse
à une brochure phalanstérienne. | 1841 | Septembre | Réponse
au feuilleton de La Quotidienne du 8 Juillet dernier. | Publications
extraites de Le Censeur européen. | 1819 | 5
Octobre | Lettre d'un
cultivateur au rédacteur du Censeur européen. | 9
Novembre | Seconde
lettre. | 26
Novembre | Sans titre. |
1820 | 9
Janvier | Sans titre. |
- |
1830 | 5
Septembre | Sermon de
l'abbé Penfur, desservant de la paroisse de Plougarantez. | 1831 | -
| Louis Rousseau, propriétaire
cultivateur à Trefflez, à MM. les électeurs de l'arrondissement de Morlaix, Brest,
imp. de Rozais. | Publication
extraite de Le Finistère. | 1832 | 9
Janvier | Sans titre. |
Publication
extraite de Le Globe. | 1832 | 19
Avril | Profession de
foi de Louis Rousseau. | Publications
extraites de Le Phalanstère. | 1833 | 19
Avril | Prospectus pour
la fondation d'une entreprise agricole et manufacturière dans le Finistère citée
par Charles Pellarin. | - |
1834 | - | Association
Catholique des Devoirs de l'homme. | Publications
extraites de L'Armoricain. | 1832 | 11
Septembre 20 Octobre 27 Novembre | Polémique
avec Edouard de Pompéry. | Publications
extraites de Le Phalanstère. | 1833 | 19
Avril | Prospectus pour
la fondation d'une entreprise agricole et manufacturière dans le Finistère citée
par Charles Pellarin. | Publications
extraites de La Revue de l'Armorique. | 1845 | Fin
de l'année | Polémique
avec l'Armoricain. | - |
1848 | Mars | Profession
de foi de candidat à l'Assemblée constituante. | - |
1848 | 19
Avril | La clé de la
science, études sociales adressées au futur modérateur de la République française. |
Publications extraites
de L'Océan. | 1850 | 28,30
Septembre 2,17,24,31 Octobre | Des
devoirs et des droits de la vie sociale. | 20
Novembre | Lettre à
M.de Marguerye. | 30
Novembre 6 Décembre | Des
propriétés de la ligne droite en politique . | 1851 | 11
Janvier | Réponse de
Louis Rousseau à M. de Marguerye. | 6
Février | Nouvelle
réponse. | 5
Avril | Lettre de Louis
Rousseau à M. de Rodellec du Porzic à Saint Pol de Leon. | Publications
extraites de La Revue scientifique et industrielle. |
1852 | Avril | Mémoire
sur la champagnisation des vins. | | Documents CROISADE
DU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE, APPEL A LA PIÉTÉ CATHOLIQUE
À L'EFFET DE RECONSTITUER LA SCIENCE SOCIALE SUR UNE BASE CHRÉTIENNE,
SUIVIE DE L'EXPOSITION CRITIQUE DES THÉORIES PHALANSTÉRIENNES,
PAR LOUIS ROUSSEAU. Nos lecteurs connaissent
assez M. Louis Rousseau par le Cours qu'il a inséré dans l'Université
Catholique. C'est le même Cours qu'il vient de publier eu un beau volume.
Il y a ajouté en outre deux cents pages, ayant pour titre : Rudiment
de la synthèse sociale, ou Exposition des principes fondamentaux de l'organisation
du travail. C'est dans cette dernière partie qu'il entre dans quelques
détails pratiques sur la réalisation de son uvre. Pour en
donner à nos lecteurs une idée suffisante, nous allons citer ici
le premier essai des statuts qui doivent présider à la réalisation
de cette uvre. But
de la fondation de la Tribu chrétienne L'association
agricole à laquelle on a jugé convenable de donner le nom de Tribu
chrétienne est destinée à faire découler, de principes
déjà tracés, les lois vraies de l'organisation du travail,
et à fournir au monde civilisé un premier spécimen de leur
application. L'objet essentiel de cette tentative est, en rendant à l'élément
religieux la place qui lui est due dans l'ordre social, de faire disparaître
les causes génératrices de l'émeute et du paupérisme,
et de garantir aux classes ouvrière et indigente des moyens réguliers
de subsistance et de bien-être, sans porter atteinte aux droits de la propriété.
? Les vices radicaux dont les procédés de mise en uvre industrielle
sont entachés dans le système en vigueur, ont été
démontrés dans la Croisade du dix-neuvième siècle.
Le même ouvrage indique sommairement la méthode à suivre pour
opérer sans secousse la transformation de ces procédés subversifs
en d'autres meilleurs et de nature à satisfaire aux trois conditions fondamentales;
savoir, emploi économique de la puissance productive, distribution équitable
des richesses produites, et garantie sociale de l'existence individuelle. En conséquence,
les personnes disposées à prendre part à la fondation de
la Tribu chrétienne voudront bien, pour plus amples renseignements, recourir
au livre sus désigné. Outre cet
objet d'un grand intérêt social, la Tribu chrétienne en a
un autre plus restreint, mais néanmoins digne encore de toute l'attention
du penseur politique et des sympathies du chrétien ; elle servira à
élever dans les principes les plus purs de la piété catholique
un certain nombre d'enfants des deux sexes, et à les instruire dans les
pratiques de l'économie rurale et domestique et de plusieurs branches d'industrie
usuelle. Ainsi, l'institution projetée présente une double fin :
l'une, immédiate et assurée, est une uvre pieuse ; l'autre,
médiate et dont la certitude pourrait à la rigueur être contestée,
est la solution pratique des questions sociales les plus urgentes. L'éducation
religieuse et l'instruction usuelle et professionnelle ne sont point données
aux enfants de la Tribu en vue de les rendre, lorsqu'ils atteindront l'âge
adulte, à une société livrée actuellement à
l'anarchie industrielle, où leur sort cesserait d'être assuré
et où leur moralité serait exposée à se perdre ; il
seront élevés pour demeurer associés et constituer la nouvelle
forme d'exploitation agricole décrite dans la Croisade du dix-neuvième
siècle. En un mot, sauf le cas vraisemblablement fort rare d'un naturel
vicieux et incorrigible, les enfants élevés dans la Tribu chrétienne
y trouveront leur établissement. Les catholiques qui auront pris la peine
d'étudier les principes organiques propres à la nouvelle institution,
et qui connaîtront les procédés de mise en uvre que
ses fondateurs doivent employer, seront à même de résoudre
dans leur sagesse quel genre d'assistance ils doivent apporter à cette
tentative d'harmonisation sociale ; les uns voudront y concourir en personne ;
les autres ne pourront le faire que de leurs deniers: il est des gens pieu«
placés de manière à pouvoir propager utilement dans le monde
l'esprit et le but de la nouvelle institution ; il en est aussi qui ne pourront
que prier Dieu de la bénir et de la conduire à bonne et heureuse
fin. Quel que soit le mode de concours propre à chacun, l'on et invité
à le faire connaître par lettres affranchies à l'une des personnes
désignées à l'article XIII. Clauses fondamentales de
l'association pour la fondation de la Tribu chrétienne : I.
II sera formé une association pieuse entre des personnes catholiques,
à effet de réaliser, d'abord en France, et subséquemment
dans d'autres pays, la pensée religieuse et sociale développée
dans la Croisade du dix-neuvième siècle. II.
L'institution décrite dans l'ouvrage en question n'est autre chose
qu'un nouveau mode d'exploitation agricole par l'association intime de tous les
agents concourant à la production, tant ceux dont le titre consiste dans
la propriété du sol, ou l'apport du capital mobilier, que ceux dont
le droit résulte de leur action personnelle. Cette association porte le
nom de Tribu chrétienne. III. La Tribu
chrétienne se constituera avec les éléments matériels
qu'il plaira à Dieu de mettre à la disposition de ses fondateurs;
mais elle tendra, dans son développement ultérieur, à présenter
le modèle de la plus grande association agricole possible, vu qu'il s'agit
d'appliquer à ce nouveau mode d'exploitation rurale deux ressorts qui,
jusqu'à présent, se sont exclus l'un l'autre ; savoir : le principe
d'activité propre à la petite culture, et les procédés
économiques qui ne sont praticables que dans la grande. IV.
Les personnes ayant l'intelligence du grand intérêt religieux
et social qui s'attache à cette institution nouvelle, et qui concourront
de leurs deniers, seront reconnues comme bienfaiteurs de l'uvre, et elles
demeureraient tels par le fait, si le résultat matériel qu'on est
fondé à en attendre venait à manquer, c'est-à-dire
si, au lieu de réussir adonner au travail une organisation productive de
richesse, l'on ne parvenait qu'à fonder «ne institution de charité
chrétienne. V. Mais, dans le cas contraire,
s'il devient démontré que le travail organisé selon l'esprit
du Christianisme est productif de beaucoup plus de richesse que le travail incohérent,
les bienfaiteurs de l'établissement jouiront dans l'association de tous
les avantages matériels attachés, suivant la règle ordinaire,
aux apports pécuniaires et à la propriété du sol. VI.
Si les circonstances font une loi de fonder la Tribu chrétienne sur
une petite échelle, elle se composera dans le principe :
- du nombre indispensable de personnes adultes, tant ecclésiastiques
que laïques, destinées à instruire l'enfance et à la
mettre sur la voie de l'association et du travail unitaire ;
- de
trente ou quarante enfants des deux sexes, depuis l'âge de deux jusqu'à
celui de douze ans. Ce personnel de fondation s'augmentera progressivement, au
fur et à mesure que les capitaux et les sujets dévoués et
intelligents viendront ultérieurement .concourir à l'uvre
; mais plus particulièrement encore, au fur et à mesure que les
principes d'organisation sociale décrits dans la Croisade du dix-neuvième
siècle recevront leur application pratique.
VII.
Dès qu'un enfant sera admis dans la Tribu chrétienne,
il sera considéré comme membre de lassociation, et, à
ce titre, il lui sera ouvert un compte par doit et avoir. Tant que les frais de
son entretien excéderont la somme versée à son profit à
la caisse de la Société, soit par sa famille, soit par l'établissement
public d'où il provient, jointe à la valeur de son travail, il demeurera
débiteur du fonds social; mais, du moment où, en vertu de ce même
compte, il se trouvera libéré des sommes qu'il a pu coûter
à l'Institution, il participera aux bénéfices généraux,
proportionnellement à la valeur de son concours personnel dans l'entreprise
sociale. VIII. A mesure que les enfants admis
dans la Tribu chrétienne se formeront, et que les vertus et l'intelligence
cultivées en eux les rendront plus aptes aux manuvres du travail
unitaire, l'Institution accomplira son développement, jusqu'à ce
qu'elle soit pourvue de tous les rouages nécessaires à un mécanisme
social complet, sous les rapports religieux, artistique, industriel et scientifique.
C'est alors qu'on pourra fonder avec certitude de nouvelles institutions semblables,
d'après le même principe, ou mieux encore subdiviser la première,
afin d'employer ses fractions à servir de noyau de fondation à d'autres,
soit en France, soit à l'étranger. IX.
Bien que la Tribu chrétienne soit une fondation d'un intérêt
plutôt social qu'agricole, et que l'excellence de son principe constitutif
puisse se démontrer dans toutes les circonstances locales où elle
se trouverait placée, néanmoins on a dû chercher à
réunir le plus d'éléments matériels de succès
que faire se peut; c'est pourquoi l'on s'est attaché à en jeter
les premiers fondements dans une localité éminemment favorable à
la spéculation agricole et à l'économie des moyens de subsistance.
Un propriétaire de la Basse-Bretagne a fait don à la Tribu chrétienne
de vingt hectares de terrain d'une très bonne nature, et susceptible d'irrigation
dans toute son étendue. C'est vraisemblablement autant de terre qu'il en
faut au début de l'Institution, surtout si l'en ne dispose que d'un modique
capital et si le personnel est peu nombreux; mais, du moment où l'Institution
commencera à prendre l'extension à laquelle elle est appelée
et où cet espace superficiel sera jugé insuffisant, le même
propriétaire s'engage à céder à l'Association de nouvelles
portions de terrain contiguës à la première, jusqu'à
la concurrence de 400 hectares. Les derniers terrains en question seront estimés
à dire d'experts ; les experts chargés de cette estimation seront
nommés, soit par le conseil d'administration, soit par les magistrats locaux,
et leur décision fera loi peur les parties contractantes. Enfin, l'administration
de la Tribu sera libre d'en opérer le paiement au comptant ou à
terme, en principal ou en intérêts annuels, bref, suivant le mode
qui sera le plus à sa convenance. X. La
direction de la Tribu chrétienne est confiée à l'homme qui
en a conçu la pensée, qui est censé avoir l'intelligence
la plus complète de son mode d'organisation, et qui consent à se
constituer père adoptif de tous les enfants admis à faire partie
de l'Association. Il est seul chargé de l'organisation du travail et de
la direction de l'ensemble. Il ordonne les dépenses, apure les comptes
des caissiers et gens comptables, mais il ne, peut être chargé d'aucun
maniement de fonds. XI. La comptabilité,
la caisse et le maniement des fonds forment l'attribution spéciale d'un
agent ad hoc nommé par tous les intéressés, suivant un mode
qui sera fixé, lors de la première réunion des fondateurs. XII.
L'instruction religieuse sera confiée à un ou plusieurs ecclésiastiques
séculiers ou réguliers. Ces mêmes ecclésiastiques desserviront
la chapelle de l'Etablissement et auront la direction spirituelle de toute la
Tribu, sous l'autorité et la surveillance de l'évêque diocésain.
En conséquence, l'organisation sociale, la comptabilité et la direction
spirituelle constituent autant d'attributions distinctes qui ne peuvent pas s«
confondre dans les mêmes mains. Il ne saurait résulter de cette division
des pouvoirs aucun conflit, si le chef temporel de la Tribu, en qui réside
le principe d'unité, est un catholique sincèrement soumis aux décisions
de l'Eglise, et ami de la justice en matière administrative. XIII.
Les personnes qui désirent concourir à la fondation de la Tribu
chrétienne voudront bien faire connaître leur adhésion par
lettres affranchies adressées à M. Bonnetty, directeur de V Université
Catholique, rue Saint-Guillaume, n° 24, ou à M. Miorcec de Kerdanet,
à Lesneven (Finistère). Il en sera de même des envois de fonds,
demandes de renseignements et offre de sujets. XIV.
Le conseil de fondation de la Tribu chrétienne se compose provisoirement
de MM. les Directeurs de l'Université Catholique et Louis Rousseau. XV.
Une première réunion du conseil, présidée par
l'une des personnes sus-indiquées, aura lieu dans le courant de janvier
1842. La date et le lieu de la réunion seront annoncés, un mois
à l'avance, par la voie des journaux et par lettres adressées aux
personnes qui se seront inscrites comme bienfaiteurs de l'uvre, lesquelles
seront admises de droit à la délibération. Cette première
séance sera consacrée à nommer le conseil définitif,
à discuter les statuts de l'Institution, et à arrêter les
moyens de la faire concorder avec la législation actuelle, i Nous recommandons
à la foi et au zèle de nos lecteurs l'ouvrage et le projet de M.
L. Rousseau. Qu'ils se souviennent des efforts que font en ce moment les disciples
de Fourier pour réaliser les idées de leur maître. Nos lecteurs
savent quelles sont ces idées, combien elles sont immorales et destructives
de toute religion. Les phalanstériens, malgré le bruit qu'ils font,
et la puissance avec laquelle ils proclament tout haut leurs théories,
n'ont pas osé répondre aux accusations, si capitales pourtant, de
M. L. Rousseau. Ils ont craint de dessiller les yeux de la plupart de leurs lecteurs,
qui ne savent pas où ils veulent les conduire. Nous pouvons dire qu'ils
se sont avoués vaincus. Un devoir nous reste encore, c'est de réaliser,
par des moyens tout catholiques, les projets d'amélioration qu'ils promettent
aux peuples, et qu'on ne peut accomplir qu'avec le secours de la religion du Christ.
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